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日曜日, 3月 02, 2014

Leibniz:Considerations sur la doctrine d’un Esprit Universel(1702)

Livre:Leibniz - Die philosophischen Schriften hg. Gerhardt Band 6.djvu

歴史的に並行論、平行論(Parallelism,Parallelisme)の最初の使用とされるライプニッツの論考。ライプニッツは自分自身を並行論者と考えていたようなのでスピノザを批判する以下の論考でも並行論を否定的には使っていない。さらに下記531頁他にスピノザの名が出てくるが、スピノザ自身は無論この用語を使っていない。ドゥルーズ『スピノザ 表現の問題』邦訳単行本103,390頁参照。下記533頁参照。

III-28 クロノロジー 1702: クロノロジー
1702 Considération sur la doctrine d'un ésprit universelle unique. G6,529-38 Erdmann178-82 Loem554-60 Buche2,48-62 Reklam51-65 著作集8,121-34

邦訳:
「唯一の普遍的精神の説についての考察」邦訳著作集第八巻
ライプニッツ著作集 [8] 前期哲学  

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TitreDie philosophischen Schriften, éd. Karl Immanuel GerhardtAuteurGottfried Wilhelm LeibnizAnnée d’édition1885Fac-similésdjvuAvancementÀ corrigerSérieTomes : 1234567


Considerations sur la doctrine d’un Esprit Universel
Unique *).

Plusieurs personnes ingénieuses ont crû et croyent encor aujourdhuy
qu’il n’y a qu’un seul Esprit, qui est Universel, et qui anime tout l’univers
et toutes ses parties, chacune suivant sa structure et suivant les organes
qu’il trouve, comme un même souffle de vent fait sonner difïeremment divers
tuyaux d’orgue. Et qu’ainsi lorsqu’un animal a ses organes bien disposés,
il y fait l’effect d’une ame particulière, mais lorsque les organes sont
corrompus, cette ame particulière revient à rien ou retourne pour ainsi
dire dans Pocean de l’esprit universel.

Aristote a paru à plusieurs d’une opinion approchante, qui a esté renouvellée
par Averroes, célèbre philosophe Arabe. Il croyait, qu’il y avoit
en nous un intellectus agens, ou entendement actif, et aussi un intellectus
patiens ou entendement passif ; que le premier, venant au
dehors, estoit eternel et universel pour tous, mais que l’entendement passif,
particulier à chacun, s’éloignoit dans la mort de l’homme. Cette doctrine
a esté celle de quelques Peripateticiens depuis deux ou trois siècles, comme
de Pomponatius, Contarenus et autres ; et on en reconnoist les traces dans
feu M. Naudé, comme ses lettres et les Naudaeana qu’on a imprimés depuis
peu, le font connoistre. Ils l’enseignoient en secret à leur plus intimes
et plus habiles disciples, au lieu qu’en public ils avoient l’adresse de dire,
que cette doctrine estoit en effect vraye selon la philosophie, par laquelle
ils entendoient celle d’Aristote par excellence, mais qu’elle estoit fausse
selon la foy, d’où sont venues enfin les disputes sur la double vérité, qui
a esté condamnée dans le dernier concile de Lateran.
*) îluf bem Sllianufeript bat Qciimig Bemerltz 1702. À Luzenbourg prés de Berlin.
vl.   34



530 $biloiophiîd ; c ãbbanbiungm.

On m’a dit que la Reine Christine avoit beaucoup de penchant pour
cette opinion, et comme M. Naudé, qui a esté son Bibliothecaire, en estoit
imbù, il y a de l’apparence, qu’il luy a donné les informations qu’il avoit
de ces opinions secrètes des philosophes célèbres, qu’il avoit practiqués en
Italie. Spinosa, qui n’admet qu’une seule substance ne s’éloigne pas beaucoup
de la doctrine de l’esprit universel unique, et même les nouveaux
Cartesiens, qui prétendent que Dieu seul agit, l’établissent quasi sans y
penser. Il y a de l’apparence, que Molinos et quelques autres nouveaux
Quietistes, entre autres un certain auteur, qui se nomme Joannes Angelus
Silesius, qui a écrit avant Molinos, et dont on a réimprimé quelques ouvrages
depuis peu, et même Weigelius avant eux, ont donné dans cette opinion
du Sabbat ou repos des ames en Dieu. C’est pourquoy ils sont crû, que
la cessation des fonctions particulières estoit le plus haut estat de la perfection.
Il est vray, que les philosophes Peripateticiens ne faisoient pas cet
esprit tout à fait universel ; car outre les intelligences, qui selon eux animoient
les Astres, ils avoient une intelligence pour ce bas monde, et cette
intelligence faisoit la fonction d’entendement actif dans les ames des hommes.
Ils estoient portés à cette doctrine de l’ame immortelle universelle pour
tous les hommes par un faux raisonnement. Car ils supposoient, que la
multitude infinie actuelle est impossible, et qu’ainsi il n’estoit point possible,
qu’il y eùt un nombre infini d’ames, mais qu’il faudroit, qu’il y en
eût pourtant, si les ames particulières subsistoient. Car le monde estant
eternel selon eux, et le genre humain aussi, et des nouvelles ames naissant
tousjours, si elles subsistoient toutes, il y en auroit maintenant une infinité
actuelle.

Ce raisonnement passoit chez eux pour une demonstration. Mais il
estoit plein de fausses suppositions. Car on ne leur accorde pas ny Pimpossibilité
de l’infini actuel, ny que le genre humain ait duré eternellement,
ny la génération des nouvelles ames, puisque les Platoniciens enseignent
la preexistence des ames, et les Pythagoriciens enseignent la
Metempsychose, et prétendent qu’un certain nombre détermine d’ames demeure
tousjours et fait ses revolutions.

La doctrine d’un Esprit Universel est bonne en elle même, car tous
ceux qui l’enseignent, admettent en effect l’existence de la Divinité, soit
qu’ils croyent que cet Esprit Universel est suprême, car alors ils tiennent

tlšbiloiopbtidμ ïlbbaubiungcu. 531

que c’est Dieu même, soit qu’ils croyent avec les Cabalistes, que Dieu Pa
creé, qui estoit aussi l’opinion de Henri Moi-us Anglois et de quelques
autres nouveaux philosophes et particulièrement de certains Chymistes, qui
ont crû, qu’il y a un Archée Universel ou bien une ame du monde, et
quelques uns ont soutenu, que c’est cet esprit du Seigneur, qui se remuoit
sur les eaux, dont parle le Commencement de la Genese.
Mais “lors qu’on va jusqu’à dire que cet Esprit Universel est l’esprit
unique, et qu’il n’y a point d’ames ou esprits particuliers ou du moins
que ces ames particulières cessent de subsister, je crois qu’on passe les
bornes de la raison, et qu’on avance sans fondement une d0Ct.l'ÎlÎ8, dont
on n’a pas même de notion distincte. Examinons un peu les raisons apparentes,
sur lesquelles on veut appuyer cette doctrine, qui détruit Pimmoiltalité
des ames et degrade le genre humain, ou plustost toutes les
créatures vivantes, de ce rang qui leur appartenoit et qui leur a esté attribué
communement. Car il me semble qu’une opinion de cette force doit
estre prouvée, et ce n’est pas assez d’en avoir une imagination, qui en
effect n’est fondée que sur une comparaison fort clochante du souffle qui
anime les organes de Musique. Pay monstre cy dessus que la prétendue Demonstration des Peripateticiens
qui soutenoient, qu’il n’y avoit qu’un esprit commun à tous les
hommes, est de nulle force et n’est appuyée que sur des fausses suppositions.
Spinosa a prétendu demonstrer, qu’il n’y a qu’une seule substance
dans le monde : mais ces demonstrations sont pitoyables ou nonintelligibles.
Et les nouveaux Cartesiens, qui ont crû, que Dieu seul agit,
n’en ont guères donné de preuve. Outre que le P. Malebranche paroist
admettre au moins l’action interne des esprits particuliers.
Une des raisons plus apparentes, qu’on a alleguées contre les ames
particulières, c’est qu’on a esté en peine de leur origine. Les philosophes
de l’école ont fort disputé sur l’origine des formes, parmy lesquelles ils
comprennent les ames. Les opinions ont esté fort partagées pour savoir,
s’il y avoit une eduction de la puissance de la matière, comme la figure
est tirée du marbre, ou s’il y avoit une traduction des ames, en sorte
qu’une ame nouvelle naissoit d’une ame précédente, comme un feu s’allume
d’un autre feu ; ou si les ames existaient déjà et ne faisoient que se faire
connoistre après la génération de l’animal ; ou enfin si les ames estoient
creées de Dieu toutes les fois, qu’il y a une nouvelle génération.
34"


532 îšlpiloiophildpc Qibbanbiuugen.

Ceux qui nioient les ames particulières, croyoient par là se tirer de
toute la difficulté, mais c’est couper le nœud au lieu de le résoudre, et il
n’y a point de force dans un argument, qu’on feroit ainsi : On a varié dans
l’explication d’une doctrine, donc toute la doctrine est fausse. C’est la
manière de raisonner des Sceptiques, et si elle estoit recevable, ilîn’y
auroit presque rien qu’on’ne pourroit rejetter. Les experiences de nostre
temps nous portent à croire, que les ames et même les animaux ont tousjours
existé, quoyqu’en petit volume, et 'que la génération 'n’est qu’une
espèce (l’augmentation, et dé cette manière toutes les difficultés de la generation
des ames et formes disparoissent. On ne refuse pourtant pas a
Dieu le droit de créer des ames nouvelles, ou de donner un plus haut
dégré de perfection à celles, qui sont déjà dans la nature ; mais on parle
de ce qui est ordinaire dans la nature, sans entrer dans Poéconomie particulière
de Dieu à Pegard des ames humaines, qui peuvent estre privilegiées
puisqu’elles sont infiniment au dessus de celles des animaux.
Ce qui a contribué beaucoup aussi, à mon avis, à faire donner des
personnes ingénieuses dans la doctrine de l’Esprit Universel Unique, c’est
que les philosophes vulgaires debitoient une doctrine touchant les ames
separées et les fonctions de Pame independantes du corps et des organes,
qu’ils ne pouvoient pas assez justifier. Ils avoient grande raison de vouloir
soutenir l’immortalité de l’ame comme conforme aux perfections divines,
et à la véritable morale, mais voyant que par la mort les organes, qu’on
remarque dans les animaux, se derangeoient, et estoient corrompus enfin,
ils se crurent obligés de recourir aux ames separées, c’est à dire de croire
que l’ame subsistoit sans aucun corps, et ne laissoit pas (l’avoir alors ses
pensées et fonctions. Et pour le mieux prouver ils tachoient de faire voir,
que Pame déjà dans cette vie a des pensées abstraites et independantes
des idées matérielles. Or ceux, qui rejettoient cet estat sépare et cette
independance comme contraire à Pexperience et a la raison, en estoient
d’autant plus portés à croire l’extinction de Pame particulière, et la conservation
du seul esprit universel.

J’ay examiné cette matière avec soin, et j’ay monstre que véritablement
il y a dans l’ame quelques matériaux de pensée ou objets de l’entendement,
que les sens exterieurs ne fournissent point, savoir l’ame même et ses
fonctions (nihil est in intellectu quod non fuerit in sensu, nisi
ipse intellectus), et ceux qui sont pour l’esprit universel Paccorderont


flšbiloiophiiúe flblpaubluugm. 533

aisement, puisqu’ils le distinguent de la matière, mais je trouve pourtant,
qu’il n’y a jamais pensée abstraite, qui ne soit accompagnée de quelques
imagesou traces matérielles, et j’ay établi un parallelisme parfait entre ce   平行論
qui passe dans Pame et entre ce qui arrive dans la matière, ayant monstre,
que l’amg  avec ses fonctions est quelque chose de distinct de la matière,
mais qgrcependant elle est- tousjours accompagnée des organes de la matière,
et qu’aussi les fonctions de l’ame sont tousjours accompagnées des
fonctions des organes, qui leur doivent répondre, et que cela est reciproque
et le sera tousjours.

Et quant à la séparation entière de Pame et du corps, quoyque je ne
puisse rien dire des loix de la grâce, et de ce que Dieu a ordonné à
l’egard des ames humaines en particulier, au delà de ce que dit la Sainte
Écriture, puisque ce sont des choses, qu’on ne peut point savoir par la
raison, et qu’elles dependent de la Revelation de Dieu même ; neantmoins
je ne voy aucune raison ny de la religion ny de la philosophie, qui m’oblige
de quitter la doctrine du parallélisme de l’ame et du corps, et d’admettre
une parfaite séparation. Car pourquoy l’ame ne pourroit elle pas tousjours   平行論
garder un corps subtil, organisé a sa manière, qui pourra même reprendre
un jour ce qu’il faut de son corps visible dans la resurrection, puisqu’on
accorde aux bien-heureux un corps glorieux, et puisque les anciens pères
ont accordé un corps subtil aux anges.

Et cette doctrine d’ailleurs est conforme à Perdre de la nature, établi
sur les experiences, car comme les observations de fort habiles observateurs
nous font juger que les animaux ne commencent point, quand le
vulgaire le croit, et que les animaux seminaux, ou les semences animées
ont subsiste déjà depuis le commencement des choses, et Perdre et la
raison veut, que ce qui a existé depuis le commencement ne finisse pas
non plus, et qu’ainsi comme la génération n’est qu’un accroissement d’un
animal transformé et developpé, la mort ne sera que la diminuation d’un
animal transformé et developpé, mais que l’animal demeurera tousjours'
pendant les transformations, comme le ver à soye et le papillon est le
même animal. Et il est bon icy de remarquer, que la Nature a cette
adresse et bonté, de nous découvrir ses secrets dans quelques petits
echantillons, pour nous faire juger du reste, tout estant correspondant et
harmonique. C’est ce qu’elle monstre dans la transformation des chenilles
et autres insectes, car les mouches viennent aussi des vers, pour nous

534 iBbiloiophi[d ;¢ itbbaublungm.

faire devinèr, qu’il y a des transformations par tout. Et les experiences
des insectes ont détruit l’opinion vulgaire, que ces animaux s’engendroient
par la nourriture sans propagation. C’est ainsi, que la Nature nous a
monstre aussi dans les oiseaux un echantillon de la génération de tous les
animaux par le moyen des oeufs, que les nouvelles découvertes ont fait
admettre maintenant.

Ce sont aussi les experiences des Microscopes, qui ont monstré, que
le papillon n’est qu’un developpement de la chenille, mais surtout que les
semences contiennent déjà la plante ou l’animal formé, quoyqu’il ait besoin
par après de transformation et de nutrition ou (Paccroissement pour
devenir un de ces animaux, qui sont remarquables à nos sens ordinaires.
Et comme les moindres insectes s’engendrent aussi par la propagation de
Pespèce, il en faut juger de même de ces petits animaux seminaux, savoir
qu’ils viennent eux mêmes d’autres animaux seminaux encor plus
petits, et qu’ainsi ils n’ont jamais commencé qu’avec le monde. Ce qui
s’accorde assez avec la Sainte Écriture qui insinue, que les semences ont
esté d’abord.

La nature nous a monstre dans le sommeil et dans les évanouissemens
un echantillon, qui nous doit faire juger, fque la mort’n'est pas une cessation
de toutes les fonctions, mais seulement une suspension de certaines
fonctions plus remarquables. Et j’ay expliqué ailleurs un point important,
lequel n’ayant pas esté assez considere a fait donner plus aisement les
hommes dans l’opinion de la mortalité de l’ame, c’est qu’un grand nombre
de petites perceptions égales et balancées entre elles, qui n’ont aucun relief,
ny rien de distinguant, ne sont point remarquées, et on ne sauroit
s’en souvenir. Mais d’en vouloir conclure, qu’alors l’ame est tout à fait
sans fonction, c’est comme le vulgaire croit, qu’il y a un vuide ou rien
la, où il n’y a point de matière notable, et que la terre est sans mouvement,
parce que son mouvement n’a rien de remarquable, estant uniforme
et sans secousses. Nous avons une infinité de petites perceptions et que
nous ne saurions distinguer : Un grand bruit étourdissant, comme par
exemple le murmure de tout un peuple assemblé est composé de tous les
petites murmures de personnes particulières, qu’on ne remarqueroit pas à
part, mais dont on a pourtant un sentiment, autrement on ne sentiroit
point le tout. Ainsi quand l’animal est privé des organes, capables de
luy donner des perceptions assez distinguées, il ne s’ensuit point, qu’il ne

ifibilofnphiidyc îlbbanbluugen. 535

luy reste point de perceptions plus petites *ei plus uniformes, ny qu’il
soit privé de tous les organes et de toutes les perceptions. Ses organes ne
sont qu’enveloppós et réduits en petit volume, mais l’ordre de la nature
deinande, que tout se redeveloppe et retourne un jour à un estat remarquable,
et qu’il y ait dans ces vicissitudes un certain progrès bien reglé,
qui serve à faire meurir et perfectionner les choses. Il semble que Democrite
luy même a vu cette ressuscitation des animaux, car Plotine luy attribue
qu’il enseignoit une resurrection.

Toutes ces considerations font voir, comment non seulement les ames
particulières, mais mêmes les animaux subsistent, et qu’il n’y a aucune
raison de croire une extinction entière des ames, ou bien une destruction
entière de l’animal, et par conséquent, qu’on n’a point besoin de recourir
à 0 un esprit universel unique, et de priver la nature de ses perfections
particulières et suhsistantes : ce qui en effect seroit aussi n’en pas assez
considerer l’ordre et l’harmonie. Il y a aussi bien des choses dans
la Doctrine de l’Esprit Universel Unique, qui ne se soutiennent point
et s’emharrassent dans les difficultés bien plus grandes que la doctrine
ordinaire.

En voicy quelques unes : On voit d’abord, que la comparaison du
souffle qui fait sonner diversement des differens tuyaux, flatte l’imagination,
mais qu’elle n’explique rien, ou plustost, qu’elle insinue tout le contraire.
Car ce souffle universel des tuyaux n’est qu’un amas de quantité. de
souffles particuliers ; puis chaque tuyau est rempli de son air, qui peut
même passer d’un tuyau dans l’autre, de sorte que cette comparaison
établiroit plustost des ames particulières et favoriseroit même la transmigration
des ames d’un corps dans l’autre, comme l’air peut changer
de tuyau.

Et si on s’imagine, que l’Esprit Universel est comme un Ocean composé
d’une infinite de gouttes, qui en sont détachées quand elles animent
quelque corps organique particulier, mais qu’elles se réunissent à leur
Ocean après la destruction des organes, on se forme encor une idée materielle
et grossière, qui ne convient point à la chose et s’emharrasse dans
les mêmes difficultés que celles du souffle. Car comme l’ocean est un
amas des gouttes, Dieu seroit pour ainsi un assemblage de toutes les
ames, à peu près de la même manière, qu’un Essaim d’aheilles est un
assemblage de ces petits animaux, mais comme cette essaim n’est pas luy
1


536 tlšbiloiophifdjc üñbattbluugcu.

même une véritable substance, il est clair, que de cette manière l’esprit
universel ne seroit point un Estre véritable luy même, et au lieu de dire,
qu’il est le seul Esprit, il faudroit dire, qu’il n’est rien du tout en soy,
et qu’il n’y a dans la nature que les ames particulières, dont il seroit
Pamas.

Outre que les gouttes réunies à l’Ocean de l’esprit universel après la
destruction des organes seroient en effect des ames, qui subsisteroient separées
de la matière, et qu’on retomberoit ainsi dans ce qu’on a voulu
éviter, surtout si ces gouttes gardent quelque reste de leur estat precedent
ou ont encor quelques fonctions et pourroient même acquérir des plus
sublimes dans cet Ocean de la divinité ou de l’esprit universel.
Que si l’on veut, que ces ames réunies à Dieu sont sans aucunes
fonctions propres, on tombe dans une opinion contraire*à la raison et à
toute la bonne philosophie, comme si aucun estre subsistant pouvoit
jamais parvenir à un estat où il est sans aucune fonction ou impression.
Car une chose jointe à une autre ne laisse pas d’avoir ses fonctions particulières,
lesquelles jointes avec les fonctions des autres en font résulter
les fonctions du tout, autrement le tout n’en auroit aucune, si les parties
n’en avoient point

Outre que j’ay monstre ailleurs, que chaque Estre garde parfaitement
toutes les impressions qu’il a reçues, quoyque ces impressions ne soyent
plus remarquables à part, parce qu’elles sont jointes avec tant d’autres.
Ainsi l’ame, réunie à Pocean des ames, demeureroit tousjours Pame particulière
qu’elle a esté, mais separée.

Ce qui monstre qu’il est plus raisonnable et plus conforme à l’usage
de la nature de laisser subsister les ames particulières dans les animaux
mêmes et non pas au dehors en Dieu, et ainsi de conserver non seulement
Pame, mais encor l’animal, comme je Pay expliqué cy dessus et
ailleurs ; et de laisser ainsi les ames particulières demeurer tousjours en
faction, c’est à dire dans des fonctions particulières qui leur conviennent
et qui contribuent à la beauté et à l’ordre de l’univers, au lieu de les
réduire au sabbat des Quietistes en Dieu, c’est à dire à un estat de faineantise
et d’inutilité. Car quant à la vision beatifique des ames bien heureuses,
elle est compatible avec les fonctions de leur corps glorifiés, qui
ne laisseront pas d’estre organiques à leur manière.
Mais si quelcun veut soutenir, qu’il n’y a point d’ames particulières

ilšbitoiophilóc ãbbanbtungcu. 537

du tout, pas même maintenant, lors que la fonction du sentiment et de la
pensée se fait avec l’aide des organes, il sera refuté par nostre experience,
qui nous enseigne, ce me semble, que nous sommes quelque chose en
nostre particulier, qui pense, qui s’apperçoit, qui veut, et que nous sommes
distingués d’un autre qui pense, et qui veut autre chose. Autrement on
tombe dans le sentiment de Spinosa, ou de quelques auteurs semblables,
qui veulent qu’il n’y a qu’une seule substance, savoir Dieu, qui pense,
croit et veut l’un en moy, mais qui pense, croit et veut tout le contraire
dans un autre, opinion, dont M. Bayle a bien fait sentir le ridicule en
quelques endroits  de son Dictionnaire.

Ou bien, s’il n’y a rien dans la nature que l’Esprit universel et la
matière, il faudra dire, que si ce n’est pas l’Esprit universel luy même
qui croit et veut des choses opposées en difl’erentes personnes, que c’est
la matière, qui est difïerente et qui agit difïeremment ; mais si la matière
agit, à quoy bon donc l’esprit universel ? Si la matière n’est qu’un premier
passif, ou bien un passif tout pur, comment luy peut on attribuer
ces actions ? Il est donc bien plus raisonnable de croire, qu’outre Dieu,
qui est l’Actif suprême, il y a quantité d’actifs particuliers, puisqu’il y a
quantité d’actions et passions particulîeres et opposées, qui ne sauroient
estre attribuées à un même sujet, et ces actifs ne sont autre chose, que
les ames particulières.

On sait aussi, qu’il y a des degrés en toutes choses. Il y a une infinité
de degrés entre un mouvement, tel qu’on voudra et le parfait repos,
entre la dureté et la parfaite fluidité qui soit sans résistance aucune, entre
Dieu et le neant. Ainsi il y a de même une infinité de degrés entre un
actif tel qu’il puisse estre et le passif tout pur. Et par conséquent il n’est
pas raisonnable de n’admettre qu’un seul Actif, c’est à dire l’Esprit Universel,
avec le seul Passif, c’est à dire la matière.

Il faut encor considerer, que la matière n’est pas une chose opposée
à Dieu, mais qu’il la faut opposer plustost à l’actif borné, c’est à dire à
l’ame ou à la forme. Car Dieu est Pestre suprême, opposé au Neant, dont
la matière résulte aussi bien que les formes, et le passif tout pur est quelque
chose de plus que le neant, estant capable de quelque chose, au lieu
que rien ne se peut attribuer au neant. Ainsi il faut faire figurer avec
chaque portion particulière de la matière des formes particulières, c’est à
dire des Ames et Esprits, qui y conviennent.


538 *Bbilnfophifcbc ãbbanblungm.

Je ne veux point recourir icy à un Argument demonstratif, que j’ay
employé ailleurs, et tiré des Unités ou choses simples, où les ames particulières
sont comprises, ce qui nous oblige indispensablement non seulement
d’admettre les ames particulières, mais d’avouer encor qu’elles sont
immortelles par leur nature et aussi indestructibles que l’univers, et qui
plus est, que chaque ame est un miroir de l’univers à sa manière sans
aucune interruption, et qui contient dans son fonds un ordre repondant à
celuy de l’univers même, que les ames varient et représentent d’une infinité
de façons, toutes differentes et toutes véritables, et multiplient pour
ainsi dire l’univers autant de fois, qu’il est possible, de sorte que de cette
façon elles approchent de la divinité autant qu’il se peut selon leur differens
degrés et donnent à l’univers toute la perfection, dont il est capable.
Après cela, je ne voy point quelle raison ou apparence on puisse avoir
de combattre la doctrine des Ames particulières. Ceux qui le font accordent,
que ce qui est en nous est un Effect de l’Esprit Universel. Mais
les effects de Dieu sont subsistans, pour ne dire que même en quelque
façon les modifications et effects des créatures sont durables, et que leur
impressions se joignent seulement sans se détruire. Donc, si conformement
à la raison et aux experiences, comme on a fait voir, l’animal avec
ses perceptions plus ou moins distinctes et avec certains organes subsiste
tousiours, et si par conséquent cet effect de Dieu subsiste tousjours dans
ces organes, pourquoy ne seroit il pas permis de l’appeller Pame et de dire
que cet effect de Dieu est une ame immatérielle et immortelle, qui imite
en quelque façon l’esprit universel, puisque cette doctrine d’ailleurs fait
cesser toutes les difficultés, comme il paroist par ce qu’on vient de dire
icy et en d’autres écrits, que j’ay faits sur ces matières.r

1 件のコメント:

  1. ドゥルーズによれば平行論なる命名はライプニッツが初めて行ったもので、スピノザ自身の用語ではない。
    (ドゥルーズ『スピノザ 表現の問題』邦訳単行本103,390頁参照)
    さらにライプニッツの並行論は悪口ではない。ライプニッツも自身を並行論者と考えていたからだ。
    ただスピノザには個体による実体の分有を説明出来ないと考えていた(「唯一の普遍的精神の説に
    ついての考察」8巻132頁)。

    ライプニッツはこんな図式を描いている。

      瞬間Aにおける肉体の状態       | 瞬間Aにおける魂の状態 
      次の瞬間Bにおける肉体の状態(チクリ)| 瞬間Bにおける肉体の状態(痛み)

    「魂がチクリにかならず気がつくのは、関係の法則によっている。」
    「魂は、いつもかならずしも判明に、チクリだの、その直後にやってくるはずの痛みだのが、
    いったいなんで起こるのか、気がついているとはかぎりません。」
    (アルノー宛書簡20邦訳ライプニッツ著作集第八巻361~362頁)

    http://www2.human.niigata-u.ac.jp/~mt/ningen/docs/F.%20IMAI.pdf
    ライプニッツは、物体は延長だとするデカルトの考え方のみをアルノーが前提としており、
    物体が自身の力で運動することを否定しているといって批判する(書簡16『ライプニッツ著作集 8』320 頁)。

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